28/02/2013
Les travailleuses du sexe arpentent le pavé littéraire
Romancières ou putains? Ou putains et romancières? Elles font des expériences et tirent de leurs aventures amoureuses des bouquins qui alimentent les choux gras de la presse sérieuse. Sérieuse ? vous avez écrit « sérieuse » ? Disons plutôt curieuse et avide de sensations...comme leur lecteurs et lectrices. Car si la presse était sérieuse, philosophe, réfléchissante, et pesant le pour et le contre du dévoilement privé en public, elles se poseraient quelques bonnes questions.
Qu'est-ce qui captive tant les hommes et les femmes de notre temps à connaître la vie intime des autres ? Le goût de l'exhibitionnisme et du voyeurisme ? L'envie de savoir ce que font les femmes quand elles sont seules ou accompagnées dans leur boudoir ? Et pourquoi les femmes peuvent-elles tout raconter et fantasmer à leur manière sans jamais se faire expulser de nulle part alors que les hommes sont rejetés d'un peu partout comme des pestiférés lorsqu'ils osent un peu trop écrire à découvert sur leur « vraie et réelle» vie sentimentale et sexuelle? Est-ce la vieille culpabilité masculine qui s'est installée dans les années 60 et l'envie de revanche féminine qui font qu'un boulevard de la littérature intime s'ouvrent au sexe féminin alors qu'un trou béant et, au final, la Bastille littéraire s'offrent aux hommes qui décrivent d'un peu trop prêt leurs aventures intimes ? Au dépotoir, les hommes qui osent avouer leur « cochoncetés » par des textes littéraires qui mettent à nu leur façon de vivre et d'aimer au milieu des femmes ? Parce que l'homme serait l'infâme, la bête, et la femme, la belle, l'adorable suceuse vampire, la sauveuse se pâmant à l'insu de son plein gré dans les caniveaux du sexe masculin ?
Il y a des hommes soupirant et souriant d'ironie d'avoir osé un jour braver l'interdit moral et vertueux de notre époque. Mal leur en avait pris. Ils étaient devenus l'incarnation du Mal et du Vice. Surtout pas beau, poisseux et sans doute sordides, sales et pervers. On ne rentra donc plus en contact avec ces hommes-là mis aux oubliettes des médias...
Les femmes, elles, sont devenues la part du Bien et l'avenir de l'homme... On le sait depuis les années 60. L'égalité de traitement n'est décidément pas parfaite entre femmes et hommes. Elles sont devenues les mantes religieuses narcissiques d'hommes puissants, médiatiques, reconnus. Car des autres, elles ne sauraient qu'en faire dans leur vie. Pauvres, bourgeois et anonymes, sans statut particulier, ils ne seraient guère intéressant d'écrire sur eux...A moins d'être une authentique prostituée littéraire de la vraie vie qui arpente pour de vrai les trottoirs et aborde sans classe sociale les hommes du quotidien...
De ces questions sérieuses, la presse n'en débattra jamais...où alors par un jour de grand froid quand les poètes masculins du sexe se seront tus pour toujours à travers leur mort et auront enterré leurs errances familières...
Mains captives, mains sans ailes
Les mains frappent les mains prient
Un dieu sourd depuis des siècles
Un jour dans vos veines sèches
Un jour nos mains seront libres
Sous ses paupières de feuilles
Où les mains des plantes bercent
Grisélidis Réal, écrivain du réel, prostituée de Genève, 1929-2005
Munich, écrit en prison, 28 juillet 1963, tiré de "Mémoire de l'inachevé", Editions Verticales
13:30 | Lien permanent | Commentaires (1) |
Commentaires
Oui, Pachakmac. C'est pourquoi il faut écrire, encore, écrire sur l'amour, sur le sexe, sur l'homme, sur la femme. Le pire ce serait le silence.
Écrit par : hommelibre | 28/02/2013
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