30/06/2018
Sans-papiers dans ta rue
Mon coeur est sans-papiers,
arraché de son port,
dénaturé, tailladé, saigné
comme un porc
bouchoyer pour la Saint-Valentin.
Carnage à Saint-Barthélémy.
Sur la plage gît un vieux clodo.
Tout était bon dans le cochon
sauf mon âge et ma tire-lire,
sauf ma situation et ma précarité.
Noyé dans les larmes de bourbon,
j'ai ce bourdon lancinant
des Blacks, Blancs, Beurs baisés
par ce monde devenu facho,
cette soul qui frappe dure
mon coeur brisé;
cette soul qui sonne et finit
par ce k.o. romantique
dans les ruelles de Paris
après ce long parcours
du combattant
pour gagner ton paradis
et réaliser ce nid d'amour,
ton petit coeur battant
accordé à mon coeur méritant,
soldat d'honneur
sauvé du nique-nique contemporain,
du fast-food pornographique,
soldat d'honneur en mission d'amour
contre l'armée innombrable
des prétendants cyniques
qui prennent leur ticket
sur ton corps
contre une liasse de billets.
Sonnant et trébuchant
restera notre amour.
Gangsters de la rue,
ils ont eu notre peau
face au mur de ton réalisme.
Fusiller
mais blinder
contre cette mise à mort,
contre cette fin annoncée
qui devait venir
un jour ou l'autre.
Je titube de fatigue,
je me nique tout seul
avec ces filles pixelisées
pour oublier
que la vie m'a sodomisé
depuis si longtemps.
Parce que mon avenir
n'est plus dans mes cordes
depuis que ma famille
a vécu sans moi;
parce que mon avenir
c'est une corde de pendu
qui tombe d'un navire,
un compte en banque
vidé en permanence
à la fin du mois
parce que je ne peux aimer
sans faire plaisir,
je ne peux aimer
sans partager tout de moi.
Nous connaissions ce deal,
cete dynamite dangereuse,
cette nitro-glisse
qui s'allumait entre tes cuisses
et faisait mon centre du monde,
mon centre d'équilibre,
mon centre du bonheur,
mon avant-centre de réussite
qui explosait le but d'or
de mon existence,
cette victoire amoureuse,
de la vie, de la gaieté,
de la joie de vivre.
Et si cet été je morfle
comme jamais je n'ai morflé,
j'en prends ma part,
pour cette folie affligeante
d'avoir joué ce romantique
avec rien dans les mains,
rien dans les poches,
rien dans ma vie,
rien d'autres que mes rires,
mes soupirs, mes désirs,
mes délires, mes mots
que tu venais lire ici
quand je te manquais
et qui devaient te toucher
pour la vie, pour l'amour,
afin que tu me gardes
dans ton coeur
comme projet de ta vie future.
Droit au bonheur,
ce n'est plus inscrit
dans mes gènes.
Droit au refuge,
à l'asile, à l'amour,
requérant de ton coeur,
je me retrouve
à la rue sans-issue,
je me mesure
à cette nouvelle impasse
que je connais si bien
et ces futurs passes d'un soir
dans les bars rouges,
sans but, sans avenir,
sans toi, bébé,
qui m'avait sorti
de ma merditerranée,
de ma noyade annoncée,
de ma pauvreté banale,
de ma vieillesse
un peu trop tôt survenue
pour cause de solitude,
d'obsolescence avancée,
de bidons d'essence
qui brûlaient tout mon corps
laissé à l'abandon,
délaissé,
ignoré, moqué
des filles qui passent
en ne demandant
jamais rien d'autre
que de les laisser tranquilles,
de ne pas les draguer,
de ne pas les coucher
sur un lit romantique
parce qu'un vieux singe
c'est forcément
un vieux cochon
qui pense au cul,
au vice,
et à se faire
une jeunette,
une ado,
une jeune nana
qui a tout son avenir devant elle.
Mais moi, je t'écris,
qu'un vieux qui a réussi
c'est un ado
qui a su garder sa jeunesse
comme bouclier contre leur cynisme.
Mais moi, je t'écris,
qu'un vieux qui a réussi,
c'est un ado romantique,
jeune premier
qui aime pour la première fois
malgré ses presque 60 piges.
Alors si je tombe,
je tombe encore d'amour
pour toi.
Alors si je me traîne
l'âme en peine
et la profonde tristesse
dans les yeux,
c'est que tu n'es plus là
pour me pigeonner,
pour me roucouler tes mots
avec la lumière de tes yeux,
c'est que tu n'es plus là
pour éclairer mon chemin,
pour partager ce projet commun
que nous imaginions
pour démarrer
le film de la vie
après le scénario glauque
de notre rencontre au bordel.
Nous allons rester
en amour pour la vie.
Nous allons rester
des amants pour la vie.
Mais jamais
nous ne serons un couple
qui s'aime et grandit
dans une jolie maison
avec les enfants
et leurs cris
qui illuminent nos coeurs.
Toi et moi,
c'était Bella Ciao.
Et je te dis merci
de m'avoir aimé
comme un jeune premier.
07:19 | Lien permanent | Commentaires (0) |
Les commentaires sont fermés.