29/01/2019
Si de nuit
Si de nuit
je croise encore
l'avenir et ton sourire
et toi près de moi
qui a changé d'avis
et qui me voit
plus jeune que je ne suis
plus beau que je ne suis
plus riche que je ne suis,
de jour
je croise la révolution,
le peuple en rage,
le peuple dans la rue
qui surnage et se livre
aux balles et aux matraques des flics
juste pour ne plus disparaître,
juste pour ne plus rester rien
aux yeux de leur président
et trimer pour rien
dans des usines à chiens
tenus à la laisse
par la paie et les dettes,
les obligations et le devoir,
le vote présidentiel démocratique
et finir sous un déluge d'insultes,
de mépris et de mensonges,
d'humiliation et de reproches.
J'suis pas ton président.
J'suis juste ton amoureux.
Tu n'es pas ma chienne.
T'es juste ma déesse.
Entre toi et moi
c'est l'égalité qui circule
en boucle dans notre mystère;
entre toi et moi
c'est la liberté qui vole dans l'éther
au-dessus de nos désirs
et cette hideuse dictature du fric
qui explose
sur la rue en direct;
entre toi et moi
c'est demain qui n'existera pas
parce que ton avenir
ne sera pas le miens
et que tu veux un homme
comme moi
mais qui n'a pas mon âge,
un homme
comme moi
mais qui n'a pas mes emmerds,
un homme
comme moi
qui n'a pas ce goût providentiel
de la révolution romantique
et le regard tourné
sur les Autres,
ce goût prononcé
de la liberté d'expression
et du devoir accompli,
ce goût amer du perdant
qui n'aura pas sa chance
à tes côtés
pour vivre une dernière fois
la grande histoire d'une famille,
des enfants qui courent
dans la maison,
de la plage qui nous attend,
de ce rêve que tu rêvais
avec moi
dans ta petite chambre de passe,
dans ta piaule qui sentait le sexe
et les hommes qui passent.
Demain,
la révolution aura gagné
mais nous,
nous aurons perdu le bonheur
de vivre ensemble.
Tu feras un job
qui te remettra dans la société
sans plus jouer cette drôle de mascarade
avec ta famille là-bas au pays.
Tu aimeras un jeune homme
de ton âge
qui te fera de beaux enfants.
Tu auras regagner le coeur
de la City et de la bonne vie
et j'aurai disparu de ta vie,
disparu de tes nuits,
disparu de notre rêve
et du bonheur.
Mais si la révolution triomphe
de la haine et de la mort.
Mais si la révolution respire
et vit dans les rues.
Mais si la révolution gagne
et la dictature du fric
tombe l'hypocrisie et les masques
alors je garderai de nous
ces années près de toi
à réinventer l'amour
pour rien,
juste pour croire
que l'amour
est plus fort que toi,
plus fort que moi,
plus fort que nous
plus fort que la haine
et cette violence du monde
qui assassinent le peuple
quand il descend dans la rue
pour retrouver le respect,
regagner sa dignité,
imposer l'égalité,
conjuguer la liberté,
et vivre de fraternité
et de partage
dans un monde
qui n'avait plus que les mots
euros, porno, parano,
soumission, domination, répression
dans sa gueule immonde.
Notre histoire n'aura pas lieu
au grand jour.
Elle restera durant
la nuit des temps
la nuit de la révolution.
Notre histoire n'aura pas de rue,
pas de maison commune,
pas de nom sur la boîte aux lettres.
Notre histoire n'aura existé
que parce que mes mots existent
dans le sang de mon coeur
et que je la couche
sur les touches et l'écran
pour que les gens la connaissent
par coeur
et qu'ils ne l'oublient jamais.
C'est dur d'aimer une fille
qui ne vient pas
dans la vie d'un homme
pour inventer et investir l'avenir.
C'est dur d'aimer une fille
qui couche avec tant d'hommes
qui ne sont rien dans sa vie
et qui va gagner sa liberté
après avoir connu
la soumission à la loi du fric,
après avoir connu
cette vie parallèle
qui fout la honte
et qui ne rejoint jamais
l'autre vie,
la bonne, la sincère,
celle du coeur et de l'esprit,
celle de la famille et de l'amour.
Tu es si belle, tu sais.
Si belle de coeur et d'esprit
et ton humour, j'adore.
Tu es si simple, tu sais.
Si heureuse avec
les petits bonheurs de la vie.
Je sais que tu trouveras
cette vie que tu recherches
faite d'authenticité et de bon pain.
Je sais tout ça
parce que tu as fait ta révolution
et que tu quittes
ce monde factice
et ta chambre sordide,
ces nuits de doute et de sexe,
ces jours de déprime et de sexe,
ces jours et ces nuits
de pluie avec tes copines
dans le même taf que toi
et cette même angoisse
de sortir de ce piège
de l'argent qu'on dit trop facile
alors que j'arrive tellement
me mettre dans la peau d'une fille
quand elle rencontre un type
sans désir qui va lui passer dessus
cinq minutes après le premier regard
et qui n'a d'obsession que foutre
sa queue partout
sur son joli corps
pour jouir et repartir
sans même se souvenir
de son nom.
Tu vas prendre ton avion
et retourner au pays.
Tu vas retourner au pays
puis revenir.
Mais je ne sais si toi et moi
on n'aura encore du temps
à partager notre amour précaire,
à s'aimer de façon incendiaire,
de foutre le feu à la Terre
pour que la révolution de l'Amour
triomphe de la Haine.
Bon vol, mon ange.
Ce matin,
dans le ciel de la révolution
s'écrit nos deux noms.
Et tant pis
si nous ne ferons jamais
boîte aux lettres commune,
vie commune,
maison commune.
Je t'aurai aimé au Paradis.
Nous nous serons aimés
d'amour vrai au Paradis.
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