25/02/2019
Forte tête
Tu peux voler ma vie,
piller ma force de travail,
prendre encore et encore,
m'arracher aux miens,
me mutiler d'une main,
m'éborgner d'un oeil,
me jeter aux oubliettes
dans une prison d'Amiens
en ne me laissant rien
d'autre que les miettes
au fond de l'assiette,
me culpabiliser,
me condamner,
m'exécuter,
et me dire encore et toujours
que je n'en faisais jamais assez,
qu'il y avait toujours
une autre solution,
que j'aurais juste eu
à traverser le trottoir
pour vendre mon corps
pour une heure, pour une nuit,
et satisfaire toi et les rois,
toi et les bourgeois,
toi et vos hideuses lois
qui donnent trop aux riches
et ramassent la totale aux pauvres.
Tu ne prendras jamais
ni mon coeur ni mon âme
parce que j'ai maintenant la haine,
la haine, la haine
d'un système honteux qui tire
toutes les ficelles médiatiques
en faisant croire
que nous vivons
merveilleusement bien
dans le meilleur des mondes possibles,
les meilleures lois possibles,
les meilleurs gouvernements possibles.
Je demandais à peine l'impossible
mais mon impossible à moi
était si peu de chose
et s'arrêtait simplement
à vivre dignement pour ma famille
sans cumuler la dette fiscale
sur des années et des années,
à ce que ma femme
ne coucha jamais avec des inconnus
contre très sale revenu,
à ce que mon travail
rende enfin le juste salaire,
les vrais fruits
de sa grande efficacité
plutôt que d'être pire
que le salaire de la misère
pour cumuler des impôts
impossibles à payer
devant témoin légal
qu'est un service social
reconnaissant par le budget
le minimum vital
mais ne pouvant rien faire
que de nous renvoyer à la rue
tout en gardant
la dette fiscale bien au chaud.
Revenant de nulle part,
jamais trouvé d'oreille
pour écouter
ma peine et ma douleur.
Revenant de nulle part,
pour sauver l'honneur
d'un passé perdu
et retrouver année après année
dans la solitude et le repli,
dans l'antre de ma tanière verbale
des lectrices et des lecteurs
découvrant cette littérature marginale
sous couvert d'anonymat,
sous couverture médiatique,
sous couvert d'une honte
à jamais graver dans ma mémoire.
J'aurais pu encore travailler
comme un nain,
comme un monstre,
comme une sirène de Fidji,
au cirque Barnum
et faire quelques courbettes
à mon oppresseur
tant ma naïveté était grande,
tant je voulais croire
qu'un jour ce monde allait
faire justice à ma famille
et que nous allions revivre
en accord avec les lois
comme une belle petite famille
et sa maison dans la prairie.
Mais non.
A jamais je ne serai rien
d'autre qu'un raté
à tes yeux de Président.
Mais non.
Je ne vis certes pas en France
mais ton système est universel
et ne se réduit pas à la France.
Mais non.
Tu n'es pas responsable
de mon destin.
Je joue seul
et ma peau et ma transparence.
Et toi tu joues avec ton peuple
en portant le masque
de ta magicienne Com
et ton plateau de prestidigitateurs.
C'est là toute notre différence.
Toi, pour défendre ton système,
tu as les flashballs
comme ultime réponse répressive
à nos peines.
Toi, tu as les médias
comme rempart pestilentiels
et murs de bien-pensance
face à nos peines incompressibles,
notre pauvreté à perpétuité
et misère sociale pour l'éternité.
Toi, tu joues les bons Samaritains
et les banquiers puritains
face caméra
et les gens de ton camp
s'emballent comme des gosses
en se pâmant d'amour
entre tes bras féroces
toujours fascinés
par ton Opéra Rotschild.
Toi, t'as beau être mis à poil
par tes détracteurs,
y compris
par ton frère ennemi
d'Amiens,
toi, t'as beau être tout nu
comme un ver luisant,
ils te feront encore confiance
jusqu'au bout du délire,
jusqu'à la catastrophe finale.
Et moi, je me suis mis à poil
et je m'habille de mes vers
pour ne point pourrir mon coeur
de trop de haine et de violence,
pour le remplir encore d'amour,
me nourrir de ce bon pain
et de cette eau fraîche
du peuple en lutte
pour ne plus céder
aux artifices et au consumérisme,
à cette gloire factice,
à ce grand show médiatique
que tu nous présentes aujourd'hui
comme une preuve
de démocratie participative,
ce grand débat national,
ce grand show électoral
sur le dos des gens
qui te paient pour faire le bouffon
et te faire applaudir des maires,
des mères et des pères,
des filles et des fils,
de bonnes familles évidemment.
C'était il y a longtemps
que j'ai quitté ce monde.
C'était il y a longtemps
que je suis mort
à ton monde.
Et maintenant
que je ne suis plus seul.
Et maintenant
qu'il y en a tant d'autres
qui n'en peuvent plus
de ton monde d'artifice,
peux-tu me dire
pourquoi tu voudrais
que je change encore
de trottoir
pour faire mon baratin
et que je fasse la putain
au service de ton pouvoir?
Peux-tu me dire
pourquoi après tant d'années
à chercher un autre chemin
je devrais faire machine arrière
et revenir te lécher les bottes,
me soumettre à ton sourire carnassier,
et devenir quelqu'un,
un chiffonnier,
une marionnette,
un pantin,
un laquais
dans ton monde à toi
qui ne m'a jamais accordé
la moindre parcelle de reconnaissance?
C'est cela qui est vraiment impossible
pour mon coeur et mon âme.
Revenir à ton monde
et retrouver la banquise
de tous ces hommes requins
et de ces dames de fer
qui n'ont que pognon de dingue
en tête
alors que je me mets martel
en tête
pour m'opposer
à ton ordre du monde.
Je suis une forte tête
malgré ma défaite.
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