21/04/2020
Tour d'Horloge
Je m'endors à pas d'heure
parce que le temps
ne fait plus ses heures.
Plus aucune horloge mécanique
pour déranger ma solitude,
fin des devoirs imposés,
juste un homme seul
terré dans son trou noir
mis à l'ombre
pour d'obscures raisons
vieilles comme le monde.
J'arpente les rues de mon lit.
Je fais le trottoir avec mes mots.
Je suis une vieille pute flétrie.
ça fera deux cents balles la rime,
chère Lady Charlie.
Et n'oubliez pas de m'embrasser
en partant de chez moi.
J'ai pas l'habitude d'être payé
pour le faire sans aucun sentiment.
Et n'oubliez pas de m'enlacer.
J'ai pas l'habitude d'être payé
pour l'amour mécanique
joué sur un orgue de barbarie.
C'est pas cher payé le crime
à votre liberté de m'aimer
dans ces jours trop sombres.
C'est ma façon ironique
de survivre en homme
à cette malédiction
du masque et des gants,
du gel hydroalcoolique,
et de la distanciation sociale.
Mais putain.
Comment veux-tu que je t'écrive
des mots d'amour
si tu vis à mille kilomètres
de chez moi?
Mais putain.
Comment crois-tu que je vis
seul dans mon taudis
à attendre ton retour
quand tout semble inerte
tout autour de moi?
Entre mes quatre murs,
j'évite la folie de me perdre
dans tes rues de l'Est.
Entre mes quatre murs,
je suis de plus en plus
à l'Ouest de mes sentiments.
Des filles pornographiques
ont remplacé ton doux visage
et tes rires dans le bar.
Des filles de pixel
se laissent abuser
contre un peu de pognon.
Elles explorent leurs fantasmes
pour atteindre un orgasme
un peu trop abstrait,
sans horizon commun.
Savent-elles ces filles
que l'ivresse totale
s'atteint toujours à deux?
Je pense fort à toi
quand tu n'es pas avec moi.
Mais ce sont des filles sans âme
qui tournent les scènes
les plus sensuelles
en satisfaisant mon shoot solitaire
avec leurs audaces exquises.
Je pense fort à toi,
à ta liberté,
quant tu n'es pas avec moi,
quand tu offres
ton joli corps
aux hommes de passage
ne marquant jamais
ton coeur et ta mémoire
mais marquant leur goal
dans ta divine vitrine.
Comment briser le coeur
d'un amoureux
épris d'une fille de joie
et passant sa vie
à changer les vitres
de sa vérité explosée
pour rétablir
l'image réelle
d'une fille incroyable
qui illumine sa vie?
Je pense à ton joli corps
qui se donne
à ces passagers clandestins
à notre amour.
Et j'ai déjà joué
au vitrier héroïque
qui sauve Paris détruit
comme après une explosion.
Mais dis-moi.
Quand arrêteras-tu
ce cruel manège?
Mais dis-moi.
Quand songeras-tu
à retrouver nos sortilèges?
Mais dis-moi.
Si notre parcours est sans issue
pourquoi n'arrivons-nous jamais
à nous quitter
et que chaque soir
des mots doux circulent
sur nos écrans?
C'est pas facile
de t'aimer sans contrainte,
sans pacte de fidélité
des corps et des coeurs.
C'est pas facile
de t'aimer et de partager
avec d'autres
le privilège de te caresser.
C'est pas facile
d'être celui qui t'attend
en sachant que tous les autres
ne t'auront jamais attendue
ne serait-ce qu'une seule nuit
et qu'ils profiteront encore
d'un moment d'égarement
pour jouir entre tes bras.
C'est peut-être pour cela
que les hommes sont si vulgaires.
C'est peut-être pour cela
que les hommes font toujours la guerre.
C'est peut-être pour cela
que les hommes ont ce sale vocabulaire
aussi méprisant que méchant.
Parce que l'amour
est exclusif et possessif.
Parce que le sexe
n'est libre que pour eux
qui n'ont de temple
que leur déesse du foyer
dans la vie.
C'est vieux comme le monde
que les putes font le trottoir
et que les mères sont assignées
à vie dans leur résidence
pour un grand confinement
conjugué au féminin.
C'est vieux comme le monde
dans les textes sacrés de jadis.
Mais comme elles n'en voulaient plus
de cette vie atroce,
les femmes ont tout révolutionné.
Les femmes ont troqué
leur tablier et leurs marmots
contre un métier et des aventures,
libres d'aimer,
libres de tout faire exploser,
le couple, la famille, l'amour.
Les femmes ont changé la donne
en prenant leur liberté.
Les mamans fidèles transformées
en marie-salopes
sans jamais vouloir le reconnaître
aux yeux des mâles
et les enfants vivant
souvent dans la rue
à pleurer le divorce
de leurs parents.
.
Est-ce mieux ainsi?
Est-ce le prix à payer
pour la liberté et l'égalité?
Est-ce que les hommes
préfèrent finalement
les filles de joie aux salopes,
le sexe tarifé aux mères
trop sages et trop parfaites
qui ont perdu l'honneur
de leur vertu?
C'est le milieu de la nuit.
Je n'ai plus d'horaire
ni de programme.
Je t'écris cette lettre un peu folle.
Je me pose tant de questions
sur l'amour au temps
du grand confinement
et sur nous.
J'attends ton retour
encore très hypothétique.
L'avion trouvera-t-il
un tarmac pour te ramener
au centre
de notre mic-mac amoureux
avec tes yeux, ta bouche,
tes mains, et ton corps
faits pour le plaisir?
Je t'aime en profondeur.
Tu m'aimes sans comédie.
Nous partageons ensemble
cette douleur intime
qui nous sépare chaque jour,
quand le temps n'a plus d'heure,
quand notre horloge devient chaleur,
et que le feu embrase nos désirs.
Tu es tout à moi
le temps de nous aimer.
Et le reste ne comptera jamais
dans le temps de notre histoire.
Reviens vite!
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