24/09/2020
Madame Juliette
Saint-Germain-des-Prés
n'a plus que des ombres,
des allures jaunies d'antiquité,
de pâles lumières de feuilles mortes
emportées par le siècle
et les pestes brunes qui nous accablent.
Il y a des échos de Gréco
qui résonnent dans mes écouteurs.
Le temps file-t-il vers la tragédie,
Madame Juliette?
Mais non mon ami.
Nous vivons d'amour et de comédie
et si la tragédie nous frappe
alors nous continuerons notre chemin
en faisant ce que nous savons faire
de notre art.
Il y a de vieux parfums
sous mes brumes funéraires,
des oeuvres littéraires
qu'on ne lit plus vraiment,
des libertins libertaires
qui ont perdu l'attention des filles,
la trompette de Miles et de Boris,
des caves enfumées qui n'existent plus,
des vieilles gloires à la patine affolante,
des courbes qui se déhanchent,
des filles intelligentes et lascives
n'exigeant aucun cachet
en dévoilant l'art de leurs charmes.
Paris n'est plus.
Paris fait dans la réalité putassière
pour tenir le haut de l'affiche.
Les allumeuses de rêves
ont cédé la place
à des michtoneuses expertes
jouant les vraies petites amies
pour une seule heure au tarif.
Du cinéma de l'amour
ne reste que le sexe.
Il faut tout réinventer.
C'était alors des dames
et le temps de l'amour courtois
plutôt que celui de la chasse brutale
et de la drague vulgaro-commerciale
se lisant comme apothéose nuptiale
sur le bestiaire du menu kamasutrique
de ces demoiselles à la culture labiale.
Merci ma bite.
C'était alors des dames
et le temps où les filles
ne tournaient pas encore pour Jackie Michel.
C'était alors des dames,
libres et aventurières,
amoureuses et passionnées,
discrètes et secrètes,
des muses, des nymphes,
des sylphides, des sirènes,
les déesses des artistes.
Il y a des échos de Gréco
qui résonnent dans mes écouteurs.
Le tempo,
Madame Juliette,
le tempo,
le tempo du rodéo moderne
est-il devenu pornographique,
Madame Juliette?
Mais non mon ami.
Nous vivons d'amour et de comédie
et si le porno nous afflige tant
alors nous continuerons notre chemin
en faisons ce que nous savons faire
de nos tendres vertiges.
Merci Madame Juliette Gréco
de m'avoir laissé le goût de l'amour
dans la bouche.
16:33 | Lien permanent | Commentaires (0) |
Le pied par terre
Le pied par terre,
je tremble,
tremblement de terre.
Le pied en l'air,
je tremble,
tendrement d'univers.
J'étais enfant
et je jouais avec mon pied.
J'étais adolescent
et je prenais mon pied.
Je suis parent
et je regarde mon pied.
Je suis grand-parent
et je donne un grand coup de pied.
Gentil ou méchant?
Croyant ou mécréant?
Ange ou démon?
Artiste ou épave?
En-haut: "Epave" Hans Erni, médaille inédite, Huguenin le Locle,
bronze-laiton, fleur de coin, création: années 60 (très probable).
En-bas: affiche de l'expo "A quoi jouent les enfants du monde",Hans Erni,
Musée d'Ethnographie, Neuchâtel, 1959.
J'avais tout mon temps
L'été, je m'en allais à l'océan
Pour quand je serai vieux
Mourir décemment
L'hiver, je travaillais pour de l'argent
Je rêvais en l'air
Au ciseau, je changeais les nouvelles*
Et c'était beau
Le pied par terre
Je vois tout autrement
Je parle et je me perds
Ici c'est beaucoup trop grand
Je ne pourrais jamais
Je voudrais me cacher
Je ne suis pas bien méchant
Le pied par terre
Je vois tout autrement
Je parle et je me perds
Ici c'est beaucoup trop grand
Je ne pourrais jamais
Revenir en arrière
Je voudrais me cacher
Je ne suis pas encore méchant
J'étais bien parti
J'avais pas d'amis
Pourtant, les gens de partout m'aimaient bien
Je criais souvent
Sans savoir vraiment
Enfin, tout ça n'était pas important
Il n'existait pas
Les journaux annonçaient la guerre
J'aurais voulu pleurer
Mais en bas on ne peut pas
Et aujourd'hui
Le pied par terre
Je vois tout autrement
Je ne peux plus me taire
Et si mon coeur est grand
Je ne veux pas mourir, même décemment
A force de souffrir
Je suis devenu méchant
Je vois tout autrement
Je ne peux plus me taire
Et si mon coeur est grand
Je ne veux pas mourir, même décemment
A force de souffrir
Je suis devenu méchant**
12:14 | Lien permanent | Commentaires (0) |
"De nouveaux rivages prédisent un nouveau jour"
Nous sommes en 1930. Le crash boursier de 1929 entraîne le rapatriement des capitaux américains placés en Allemagne vers l'Amérique.
L'Allemagne, humiliée par la défaite de 14-18, souffre encore de l'Occupation alliée et elle meurt lentement de faim. Le taux de chômage devient effrayant. Le bouc émissaire est tout trouvé par les partisans d'un certain Adolf Hitler, adepte de la race pure aryenne, qui intrigue depuis des années pour atteindre les pleins pouvoirs après avoir pourtant fait de la prison. Les Juifs et la démocratie sont ses ennemis jurés ainsi que le communisme. Il se taille une image intraitable de nouveau messie qui ne s'embarrasse guère d'écouter les autres. C'est lui et son combat et rien d'autre que lui et son combat.
La propagande, les fake news, les mensonges énormes et répétés de son parti feront le reste. De plus en plus de gens l'admirent et l'idolâtrent. Hitler sinon rien ni personne ne pourront sauver l'Allemagne de la misère et de la dégradation selon eux. Les artistes sont triés sur le volet pour servir eux aussi à la propagande nazie. Il y a les élus et les autres, les dégénérés, celles et ceux qui ne correspondent pas aux canons esthétiques et à l'idéologie nazie.
Tout est déjà écrit. Les nuages s'accumulent sur la démocratie. De coup de force en coup de force, de viol en viol de la vérité plurielle, de la démocratie bafouée, subissant symboliquement le supplice de la roue pour avouer des crimes qu'elle n'a pas commis (complot juif mondial, traîtres à la patrie au service de l'étranger, responsables du crash boursier) Hitler profite de la situation, de la désorientation des foules, et des complicités de son cercle pour asseoir son autorité funeste sur l'Allemagne.
Un artiste peintre, sculpteur, médailleur, qui obtiendra les bonnes grâces du régime, crée en 1930 une médaille visionnaire et prophétique en bronze où l'on voit un homme nu, tête rasée, au gouvernail d'une embarcation regardant passer deux oiseaux dans le ciel qui le guident. Le médailleur s'appelle Gustav Adolf Bredow. Sa médaille, rétrospectivement, est à la fois fascinante et glaçante. Il y est écrit, en Allemand: " "Zu neuen Ufern lockt ein neuer Tag" " De nouveaux rivages prédisent un nouveau jour" à gauche; et à droite "Gustav Adolf Bredow 1930". Adolf Hitler est en plein ascension. Le Führer donne l'espoir insensé au peuple d'une nouvelle Allemagne aryenne débarrassée, puissante, à l'esthétique musclée, blonde, et raffinée qui va créer l' über Nation, le surhomme, une race de guerriers et de guerrières sans peur et sans reproche s'attachant à aimer un seul leader, un seul guide, un seul et unique dieu élitiste et n'aimant qu'une seule race: la race aryenne germanique.
Les premières années du règne d'Hitler semblent promises à un succès économique sans précédant pour l'Allemagne. Le chômage recule d'une manière fulgurante grâce à l'industrie de la guerre qu'Hitler planifie avec ses généraux, entre autres. Les délires du Führer s'amplifient. Il a foi en ses vociférations et le peuple lui montre toute sa reconnaissance et même son amour. Les opposants doivent soit se taire, soit fuir, soit finir en prison ou assassinés dans la rue. L'Allemagne ne croit plus qu'en un fou halluciné qui les guidera vers la plus sinistre et funeste des perspectives, une aventure assassine, monstrueuse, une aventure des plus sanglantes et inimaginables de l'Histoire des êtres humains.
Que se passera-t-il donc en Amérique ce mois de novembre prochain?
La médaille prophétique de Bredow à la patine sombre qui, par ailleurs, a créé un encrier surmonté de la sculpture d'un buste d'une femme aussi belle que mystérieuse ainsi que des très belles oeuvres picturales à l'atmosphère parfois fantomatique voir gore... Attiré par les sculptures-souvenirs aux morts également... Un artiste sans doute banni de la notoriété aujourd'hui à cause de ses sympathies nazies. Mais l'art survit aux idéologies et aux sympathies de leur créateur.
09:22 | Lien permanent | Commentaires (0) |
23/09/2020
Cette nuit fantastique à Berne
La ville s'endort
mais dehors
ils sautent à l'élastique
quelque part dans le Vercors
il y a ces corps tournesol
qui jonchent le sol
sur la place fédérale
des branchages que la police évacue
dans leurs sacs de couchages
des arbres debout dans leurs tentes
et des papillons indésirables
qui font chenilles
dans l'ordre établi
ils sont des nuisibles
dans la loi écrite
ils feront de la prison
pour l'ordre et la loi
pour faire exemple
regarde l'enfant
qui regarde derrière lui
effrayé par leurs serpents à sornettes
regarde le cheval
qui regarde cet obstacle fédéral
cette grande scène hippique
où trônent les élus et les élues
qui légifèrent et décident
contre les hippies
ces Indiens d'utopie
déserteurs éclaireurs
de nouvelles pistes
Police bernoise et activiste
Activiste d'Extinction Rebellion
dans la bouche de l'Ogre et la Loi
Nouveau vitrail du Palais fédéral
Parlementaire casqué style Louis-Philippe Nantermod
J'hésite à faire un don pour l'équipe de manifestants de la place fédérale, mention "les autorisations pour les démonstrations". De toute évidence le parent pauvre du budget. pic.twitter.com/mtuhCIBMKZ
— Philippe Nantermod (@nantermod) September 21, 2020
Le Clown médiatique à belle crinière style Matthieu Béguelin
https://www.facebook.com/matthieu.beguelin/posts/10164837981890112
Vue d'ensemble sur cette nuit fantastique à Berne
Artefacts créés à partir de la plaquette en bronze
de Hans Erni pour le concours hippique de Tramelan, 1987
Signature stylisée exceptionnelle de l'artiste au dos de la plaquette
08:54 | Lien permanent | Commentaires (0) |
22/09/2020
De la désobéissance civile, cette mal-aimée
La Berne fédérale s'est réveillée ce matin avec des tentes d'Indiens devant sa maison.
Que faut-il penser de cette occupation des lieux par une tribu d'éco-responsables qui désirent ardemment que le Conseil fédéral et le Parlement se pressent dans les décisions décisives à prendre face au rouleau compresseur de l'Economie ultra-libérale?
Comment faut-il apprécier la prise en otage de la place publique par cette jeunesse révoltée qui désire des décisions radicales en faveur de nouvelles normes climatiques?
Voilà les noms d'oiseaux qui volent de la part de ceux qui défendent, à l'instar d'un certain Donald Trump, l'Ordre et la Loi. Ce sont des fainéants, des anarchistes, des jean-foutre, quand ce ne sont pas des personnes qui veulent terroriser et régner par la dictature.
Rappelons tout de même que parmi les soutiens de cette mouvance non-violente, il y a même un certain prix Nobel de chimie, Jacques Dubochet, qui a inventé l'eau froide afin de calmer les parlementaires les plus furieux qui seraient prêts à prendre les armes contre ces crades et merdeux anarchistes. Après tout, ces gens de rien ne seraient que de misérables crève-misères qui vivraient au crochet de ceux qui bossent et qui paient les assurances sociales. Des parlementaires bien dans leur peau et qui aiment la justice et la loi parlent ainsi de ces agitateurs et agitatrices mais ces mêmes parlementaires aiment l'ordre et la loi quand ils vont toujours dans leurs intérêts bien compris.
Il faut rappeler aux bourgeois qu'au temps de Louis XVI, une bonne partie d'entre eux qui subissaient l'arrogance et le mépris des nobles, se sont alliés avec le peuple et le monde des artisans et des paysans pour abattre la monarchie et créer la démocratie. Aujourd'hui, clairement, une partie de cette bourgeoisie profite de la manne des puissantes multinationales. Les néo-aristocrates modernes ne commettent pas deux fois la même erreur. Ils savent que s'allier au camp bourgeois, c'est s'allier une majorité populaire lors des votes cruciaux. Pour les autres, et cette jeunesse l'a bien compris, les votations donnent des résultats lents, très médiocres, et consensuelles qui ne font que repousser l'urgence climatique aux calendes grecques.
Si cette désobéissance civile est radicale c'est que notre système ne peut plus se satisfaire de demi-mesures. Nous pouvions commencer le travail dans les années 70 déjà. Un demi-siècle nous sépare de ce temps-là et la tragédie climatique s'est accélérée parce que l'ultra-libéralisme et son gigantisme consumériste a tout écrasé sur son passage en rapetissant notre capacité de conscience et en aiguisant notre appétit matérialiste à travers des campagnes publicitaires, un matraquage idéologique des cerveaux qui a rendu les populations entièrement dépendantes au modèle capitaliste. Si je n'ai pas ma Rolex à 50 ans, je ne suis rien disait l'autre.
Le Parlement fédéral a la loi pour lui. Certes. Il peut faire évacuer cette jeunesse en mouvement. Il peut porter plainte et jeter des jeunes filles et des jeunes gens en prison pour entrave au bon déroulement de la session parlementaire et occupation illégale de la place fédérale.
Mais cela ne fera que renforcer le camp des sympathisants et des sympathisantes à la cause. Et cela pourrait même fissurer le ronron des chambres fédérales où certaines et certains parlementaires nouvellement élu-e-s soutiennent discrètement cette occupation illicite et cette action de désobéissance civile.
Les jeunes n'ont plus envie d'être bernés par des promesses jamais tenues. Ils sont à Berne pour exiger une avancée herculéenne des travaux climatiques. Que cela plaise ou non au camp bourgeois, il va bien falloir changer de rythme et s'ouvrir à la révolution verte.
C'est comme cela que l'on sauvera aussi la démocratie face aux dérives autoritaires et les dangers de tyrannie que le monde entier court à travers des dirigeants populistes qui ne s'embarrassent pas trop de la loi quand cela gêne trop à leurs plans personnels. Il suffit de regarder l'Amérique d'aujourd'hui pour comprendre mes propos.
L'ordre et la la loi, c'est aussi une invention perpétuelle et une remise en question de nos valeurs trop bien assises sur des lauriers faisandés. Que dirait le peuple aujourd'hui si les objecteurs de conscience et leur désobéissance civile de jadis étaient encore jetés en prison pour entrave à l'ordre et la loi?
15:07 | Lien permanent | Commentaires (0) |